Gueux

Origine

(adj.) L’exemple du XVe siècle prouve que gueux a signifié cuisinier et est une autre forme de queux (voir aussi que). On peut aussi citer à l’appui ce passage de Voltaire : L’Europe fut inondée de ces dignités héréditaires, de maréchaux, de grands veneurs, de chambellans d’une province ;il n'y eut pas jusqu'à la grande maîtrise des gueux de Champagne qui fut une prérogative de famille, Mœurs, 70. Ce mot a passé, par dénigrement, des marmitons aux mendiants, aux mauvais sujets. Diez objecte que, si gueux représente queux, queux, qui représente coquus, n'a l’s ou x qu’à titre de nominatif, que ces sortes d’s ne comptent pas dans la dérivation, et qu’ainsi gueux n'aurait pu donner gueuser, gueuserie. Mais ces mots ne sont pas anciens et ils ont été formés en un temps où l’s de gueux valait une lettre radicale. On a donné une origine hollandaise (guit, coquin) à la dénomination des gueux de Hollande ;il se pourrait en effet que cette dénomination fût indépendante du mot français ;cependant Schiller les appelle die Geusen, ce qui semble appuyer fortement l’étymologie française.
  • API : //; /ɡø/
  • SAMPA : //; /g2/

Adjectif

gueux /ɡø/ (masculin pluriel gueux /ɡø/ féminin gueuse /ɡøz/ féminin pluriel gueuses /ɡøz/)
  1. Qui est necessiteux, réduit à mendier (ce qui se dit avec un sens de dédain plutôt que de pitié).
    Figurez-vous l’orgueilleux Diogène qui foulait aux pieds l’orgueil de Platon, les presbytériens d’Écosse ne ressemblent pas mal à ce fier et gueux raisonneur, (Voltaire, Dict. phil. Presbytériens.)
  2. Familièrement.
    Être gueux comme un rat, comme un rat d’église, comme un peintre, c’est-à-dire être fort pauvre.
    Chartier [l'éditeur d’Hippocrate et de Galien] est plus gueux qu’un pauvre peintre, dix mille écus ne payeront pas ses dettes, (Gui Patin, Lett. t. II, p. 85.)
    Tous ces blondins sont agréables.... la plupart sont gueux comme des rats, (Molière, l'Av. III, 8.)
  3. Qui n'a pas de quoi vivre selon son état ou ses désirs.
    Mais il aime sa fille et voudra s’informer ; s’il apprend qu’il est gueux ? (Hauter., Bourg. de qual. IV, 5.)
    Il est gueux, archigueux, (Thomas Corneille, Comt. d’Orgueil, II, 1.)
    Choisir un gendre gueux... ? - Taisez-vous, s’il n'a rien, Sachez que c’est par là qu’il faut qu’on le révère, (Molière, Tart. II, 2.)
    Quoique ses parents ne soient point gueux, (Marquise de Sévigné, 148.)
    [Ces fous] Qui, toujours assignant et toujours assignés, Souvent demeurent gueux de vingt procès gagnés, (Nicolas Boileau-Despréaux, Épît. II.)
    Riche, gueux, triste ou gai, je veux faire des vers, (Nicolas Boileau-Despréaux, Sat. VII.)
    C'est un duc assez malhonnête homme et fort gueux, (Marquise de Maintenon, Lett. à l’abbé Gobelin, 14 juillet 1669.)
    Il s’offre deux partis, vous les chassez tous deux : Le premier est trop riche et le second trop gueux, (Jean-François Regnard, Distrait, I, 1.)
    Grâce à moi [muse] qu’il rendit moins folle, D’être gueux il se consolait, (Pierre Jean de Béranger, Épitaphe.)
  4. Il se dit des choses qui attestent la gueuserie.
    Un équipage gueux.
  5. Figuré Terme d’architecture. Corniche gueuse, corniche dénuée d’ornements.
  6. Substantif masculin Celui qui fait métier de demander l’aumône.
    Mener une vie de gueux.
    Il rencontra un gueux couvert de pustules, les yeux morts, le bout du nez rongé.... (Voltaire, Candide, 3.)
    Sages et fous, gueux et monarques, Apprenez un fait tout nouveau, (Pierre Jean de Béranger, Parq.)
  7. Il est jaloux comme un gueux de sa besace, il est très jaloux.
  8. Figuré C’est un gueux revêtu, se dit d’un homme de rien qui a fait fortune, et qui en est devenu arrogant.
  9. Figuré
    [Boileau] N'est qu’un gueux revêtu des dépouilles d’Horace, (Nicolas Boileau-Despréaux, Sat. IX.)
  10. Gueux fieffé, mendiant qui se tenait toujours à la même place.
  11. Gueux de l’ostière, mendiant qui allait de porte en porte.
  12. Au fémin. Une gueuse, une mendiante. Vieilli en cet emploi.
  13. Celui qui est dans la gêne, dont les ressources sont au-dessous de son état.
    C'étaient des gueux adorés des souverains et des peuples, que les consuls et les dictateurs de ce temps-là, (Louis-Guez de Balzac, De la gloire.)
    Diogène là-bas est aussi riche qu’eux [ceux qui entassent], Et l’avare ici-haut, comme lui, vit en gueux, (Jean de la Fontaine, Fabl. IV, 20.)
    Un gueux qui, quand il vint, n'avait pas de souliers, Et dont l’habit entier valait bien six deniers, (Molière, Tart. I, 1.)
    Et tout gueux, quel qu’il soit, ne peut être qu’un sot, (Thomas Corneille, D. César d’Avalos, I, 3.)
    Mon maître ? fi donc ! voilà un plaisant gueux pour une fille comme Angélique ! (Alain René Lesage, Crispin riv. de son maître, sc. 2.)
    Je n'ai pas voulu te parler au logis, de peur que mon gueux de mari ne nous écoutât, (Brueys, Avoc. Pat. I, 2.)
    Des gueux chantons la louange ; Que de gueux hommes de bien ! (Pierre Jean de Béranger, Gueux.)
  14. Ce qui a le caractère mesquin.
    Non de ces gueux d’avis dont les prétentions Ne parlent que de vingt ou trente millions, (Molière, Fâcheux, III, 3.)
  15. (dédain) qu’on applique à des gens de mauvaise apparence ou de mauvaise conduite.
    Je veux le faire, moi, mourir sous le bâton, Ou le gueux dès ce soir quittera ma maison, (Philippe Néricault Destouches, Glor. III, 8.)
    Mandrin, suivi de cinquante gueux, met une ville entière à contribution ; dès qu’il est entré par une porte, on dit à l’autre qu’il vient avec quatre mille combattants et du canon, (Voltaire, Dict. phil. Population.)
    Les petits gueux [des enfants en haillons] quittèrent aussitôt le jeu en laissant à terre leurs palets, et tout ce qui avait servi à leur divertissement, (Voltaire, Candide, ch. 10.)
  16. Il se dit au féminin dans le même sens.
    N'est-ce pas là cette gueuse que vous chassâtes hier ? (Brueys, Grondeur, II, 16.)
    C'est du fond d’un vieux carrosse traîné par deux chevaux étiques, que cette gueuse de marquise m’a fait insulter par des laquais tout déguenillés, (Florent Carton, Chev. à la mode, I, 1.)
  17. Particulièrement. Coquin, fripon.
    Méfiez-vous de cet homme, c’est un gueux.
  18. Au féminin. Très familièrement, une coquine, une femme qui vit mal.
    Monsieur, défiez-vous des gueuses de Paris, (Hauteroche, Espr. foll. I, 1.)
    La querelle [du fils aîné du comte d’Auvergne et du chevalier de Quélus] était venue pour du cabaret et des gueuses, (Louis de Rouvroy, 43, 259.)
  19. Gueux de, dans le langage populaire, s’emploie comme diable de. Une gueuse de souris qui m’empêche de dormir.
    Je souffre toujours de mon gueux de rhumatisme.
  20. Substantif masculin pl.
    Les gueux, nom que prirent au seizième siècle les huguenots des Flandres, à l’occasion du discours peu mesuré de Marguerite de Parme, gouvernante des Pays-Bas, qui avait dit en parlant des seigneurs calvinistes que c’était des gueux qu’elle ne redoutait pas.
  21. Gueux de mer, s’est dit des marins hollandais qui armèrent à la Brielle, en 1572, pour faire la course contre les Espagnols.
  22. Gueux des bois, s’est dit, à la même époque, des paysans armés qui commencèrent à faire la guerre en partisans, pour fonder l’indépendance des Provinces-Unies.
  23. Substantif masculin Espèce d’oiseau de mer.
  24. Au féminin, nom donné (ironiquement et péjorativement), dès le XIX° siècle, par les Royalistes à la République.

Synonymes

Mots apparentés

TraductionDéplier / Replier

Nom commun

gueux /gø/ masculin
  1. ...

Voir aussi