Gorge

Origine

(nom) du latin gurges (gouffre) ; la gorge ayant été comparée à une ouverture béante. Comparatif le sanscrit gargara (tourbillon), à partir du radical gar (avaler).
  • API : /ɡɔʁʒ/
  • SAMPA : /gORZ/

Nom commun

gorge /ɡɔʁʒ/ féminin (pluriel : gorges /ɡɔʁʒ/)
  1. La partie antérieure du cou.
    Il a la gorge enflée.
    Mettre, tenir le poignard, le pistolet sur la gorge de quelqu'un.
    Mettre, tenir le pied sur la gorge à quelqu'un. (Dictionnaire de l’Académie)
    Il semblait présenter sa gorge au coup mortel. — (Pierre Corneille, Hor. IV, 2.)
    Seigneur, voyez ces yeux Déjà tout égarés, troubles et furieux […] Cette gorge qui s’enfle. — (Pierre Corneille, Rodog. v, 4.)
    Elle avait le poignard contre sa gorge nue. — (Jean de Rotrou, Herc. mour. IV, 4.)
  2. Tendre la gorge au couteau, ou, simplement, tendre la gorge : présenter la gorge pour être égorgé
    De festons odieux ma fille couronnée/Tend la gorge aux couteaux par son père apprêtés. — (Jean Racine, Iphig. V, 4.)
  3. (Figuré) Tendre la gorge : ne plus faire de résistance, renoncer à une résistance inutile.
  4. Tenir quelqu'un à la gorge : lui serrer la gorge avec les mains.
  5. Se tenir à la gorge : se dit de deux hommes qui se sont saisis l’un l’autre à la gorge.
    Je remarque dans une chambre deux hommes en chemise qui se tiennent à la gorge et aux cheveux. — (Alain René Lesage, Diable boit. II, 3 (édit. de Paris, 1737).)
  6. (Figuré) Tenir quelqu'un à la gorge : le réduire dans un état où il ne peut plus faire de résistance.
  7. (Figuré) En un autre sens, accabler, tourmenter.
    Malgré la vue de toutes nos misères qui nous touchent, qui nous tiennent à la gorge. — (Blaise Pascal, Grandeur, 7, édit. de FAUGÈRE.)
  8. (Figuré) Prendre quelqu'un à la gorge : lui faire violence, le presser sans relâche.
    Hélas ! c’est ce lutin-là qui me prend à la gorge ; elle veut que je l’aime. — (Pierre de Marivaux, Surpr. de l’amour, II, 4.)
  9. (Figuré) Tenir le pied sur la gorge à quelqu'un : lui mettre, lui tenir le pistolet, le poignard, le couteau sur la gorge, lui porter un poignard à la gorge, lui faire violence.
    J'ai été extrêmement étonné quand j'ai reconnu son écriture […] je ne crois pas pourtant qu’elle ait fait cela de sa volonté ; et il faut que vous lui ayez fait écrire le poignard sur la gorge. — (Vincent Voiture, Lett. 57.)
    Mais dis-moi, te portais-je à la gorge un poignard ? — (Pierre Corneille, Ment. V, 3.)
    Il me tient, le scélérat, le poignard sur la gorge. — (Molière, l'Avare, II, 1.)
  10. La bourse sur la gorge : par plaisanterie, en offrant de l’argent.
    Marton, monsieur, Marton, la bourse sur la gorge A voulu me séduire et surprendre ma foi. — (Boissy, Sage étourdi, III, 5.)
  11. (Figuré) Avoir le poignard, le couteau sur la gorge : se dit de la personne qui est l’objet d’une violence.
  12. Couper la gorge à quelqu'un : le tuer, l’égorger. Des voleurs lui coupèrent la gorge.
  13. (Figuré) Couper la gorge à quelqu'un : le ruiner, faire avorter ses desseins, lui faire le plus grand tort.
    Couper ainsi la gorge à cette petite créature. — (Marquise de Sévigné, 44.)
  14. Il se dit aussi de ce qui ruine, perd, fait tort.
    Elle n'ose aller à Saint-Germain ; il ne peut parler à M. Colbert : cela nous coupe la gorge. — (Marquise de Sévigné, 128.)
    Il ne viendra rien d’ici qui vous coupe la gorge. — (Marquise de Sévigné, 176.)
  15. Cet argument, cette pièce lui coupe la gorge : lui ôte tout moyen de se défendre, de soutenir ses prétentions.
  16. On dit dans le même sens : Vous vous coupez la gorge par cette pièce.
  17. (Figuré) Couper la gorge à quelqu'un : lui gagner tout son argent au jeu.
    Tandis qu’il couperait la gorge au pauvre Cameran. — (Antoine Hamilton, Gramm. 3.)
  18. Se couper la gorge : se donner la mort en s’ouvrant la gorge.
  19. Se couper la gorge l’un l’autre : s’entre-tuer.
  20. Se couper la gorge avec quelqu'un : se battre avec lui.
    Il faut, si vous le trouvez bon, que nous nous coupions la gorge ensemble. — (Molière, Mar. forcé, 16.)
    Je suis votre valet, je n'ai point de gorge à me couper. — (Molière, ib.)
    Ah ! la belle amitié ! je disais comme le maréchal de Grammont : si je vous faisais embrasser, messieurs, je ne vois rien qui vous empêchât de vous couper la gorge. — (Marquise de Sévigné, 461.)
    […]De m’accorder le plaisir et l’honneur De me couper la gorge avec vous […] — (Philippe Néricault Destouches, Glor. III, 7.)
  21. Il en a menti par sa gorge : il en a audacieusement menti ; locution prise des combats judiciaires du moyen âge.
    Et Dieu sait cependant s’ils mentent par la gorge. — (Abbé Mathurin Régnier, Sat. VI.)
    Vous avez menti par la gorge et, toutes les fois que le direz, mentirez. — (Voltaire, Mœurs, 124.)
  22. Cet homme est chatouilleux de la gorge : s’est dit d’un fripon exposé à être pendu.
  23. Se dit aussi des animaux.
    Le dogue prit le loup à la gorge.
    Pigeon à grosse gorge.
    Ce moineau est mâle, il a la gorge noire.
  24. (Figuré) C'est un franc mâle, il a la gorge noire : c’est un bon compagnon.
  25. Le dedans de la gorge : gosier.
    Mal de gorge.
    L'entrée de la gorge.
    Se mettre les doigts dans la gorge.
    Un dragon enivré des plus mortels poisons […] Vomissant mille traits de sa gorge enflammée. — (Pierre Corneille, Médée, II, 2.)
    Haro ! la gorge m’ard, Tôt ! tôt, dit-il, que l’on m’apporte à boire. — (Jean de la Fontaine, Paysan.)
    Il se plaint toujours beaucoup de ses vapeurs, et je crois bien qu’il espère se soulager par quelque dispute de longue haleine ; mais je ne suis guère en état de lui donner contentement, me trouvant toujours assez incommodé de ma gorge dès que j'ai parlé un peu de suite. — (Jean Racine, Lettre à Boileau, 25 juillet 1687.)
  26. Arroser la gorge : boire.
  27. (Maritime) On dit qu’un ris ne passe pas le nœud de la gorge, quand il est contraint, forcé.
  28. Rire, crier à gorge déployée, à pleine gorge : rire, crier de toute sa force.
    Tantôt nous en riions à gorge déployée, tantôt nous en pleurions à chaudes larmes. — (Denis Diderot, Salon de 1765, Œuv. t. XIII, 282, dans POUGENS.)
  29. Sous gorge : par opposition à gorge déployée.
    Mme de Lavardin riait sous gorge. — (Marquise de Sévigné, 384.)
  30. À pleine gorge : en remplissant la gorge.
    Il sent l’eau-de-vie à pleine gorge.
    Je ne doute pas que, quand vous lirez cette lettre à la belle Madelonne, elle ne se récrie que cela sent le P. Rapin et le P. Bouhours à pleine gorge. — (Dit Bussy-Rabutin, Lett. à Mme de Sév. 14 mai 1677.)
  31. (Figuré) Faire rentrer à quelqu'un les paroles dans la gorge : l’obliger à rétracter ce qu’il a dit.
  32. (Musique) Chanter de la gorge : chanter en resserrant la gorge avec effort.
    On les exerce à la légèreté, et non à forcer le son, ou à le donner de la gorge, défaut de presque toutes les chanteuses françaises. — (Stéphanie Félicité Ducrest de St-Albin, Adèle et Théod. t. III, lett. 14, p. 98, dans POUGENS.)
  33. On dit dans le même sens : voix de la gorge.
  34. (Chasse) On dit qu’un chien a belle gorge quand il a la voix grosse et forte.
  35. (Fauconnerie) Gorge : le sachet supérieur de l’oiseau, qui se nomme vulgairement poche.
  36. Par métonymie, ce qui entre dans la gorge de l’oiseau, l’aliment qu’on lui donne.
  37. Enduire la gorge : se dit de l’oiseau qui digère trop vite les aliments.
  38. Donner bonne gorge : repaître généreusement un oiseau.
  39. Donner grosse gorge à un oiseau : lui donner une nourriture qui n'est pas détrempée dans l’eau.
  40. Gorge chaude : la chair des animaux vivants que l’on donne aux oiseaux de proie.
    Mettez les hommes chacun à part soi, que sera-ce qu’une gorge chaude au reste des animaux, et un peu de sang, qu’ils auront plus tôt épandu que désiré ? — (François de Malherbe, le Traité des bienf. de Sénèque, IV, 18.)
    Notre bonne commère S'efforce de tirer son hôte au fond de l’eau, Contre le droit des gens, contre la foi jurée, Prétend qu’elle en fera gorge chaude et curée. — (Jean de la Fontaine, Fabl. IV, 11.)
  41. (Figuré) et (Familier). Faire gorge chaude de quelque chose : se l’approprier (emploi qui a vieilli). Il comptait avoir cette succession, et en faire une gorge chaude, une bonne gorge chaude.
  42. (Figuré) Faire des gorges chaudes, une gorge chaude de quelqu'un, ou de quelque chose : faire des plaisanteries, exercer sa malignité.
    Le duc de St-Aignan trouva l’aventure si plaisante qu’il en fit une gorge chaude au lever du roi. — (Louis de Rouvroy, 95, 3.)
    Le soir le duc du Maine fit chez lui une gorge chaude fort plaisante de Fagon avec le Brun. — (Louis de Rouvroy, 405, 53.)
  43. Voler sur sa gorge : se dit de l’oiseau qui vole après le gibier, aussitôt après s’être repu ; et fig. d’une personne qui danse aussitôt après être sortie de table.
  44. Rendre gorge : se dit de l’oiseau qui rend la viande qu’il a avalée.
  45. (Par extension) Rendre gorge : rendre ou vider sa gorge, vomir après un excès.
  46. (Figuré) Rendre gorge : restituer par force ce qu’on a pris ou acquis par des voies illicites.
    Ah ! sandis, messieurs les coquins, vous rendrez gorge. — (Florent Carton, Déroute du Pharaon, sc. 26.)
  47. Faire rendre gorge à quelqu'un : l’obliger à restituer ce qu’il a pris.
  48. (Désuet) Le sein d’une femme.
    Elle a une belle gorge, la gorge plate, trop de gorge.
    Sa gorge est blanche, pleine, et l’on ne saurait voir Dans toute la nature une gorge plus belle. — (Deshoulières, Portr. de Mlle de Villène.)
    Des faiseurs de stances et d’élégies amoureuses, de ces beaux esprits qui tournent un sonnet sur une absence ou sur un retour, qui font une épigramme sur une belle gorge, un madrigal sur une jouissance. — (Jean de la Bruyère, Disc. à l’Acad. fr. Préface.)
    Elle étale une gorge d’albâtre qui est la chose du monde la plus dégoûtante et qu’on ne connaît presque point dans nos climats. — (Voltaire, Princ. de Babyl. 11.)
    Le prophète Isaïe se plaignait il y a déjà longtemps que les filles d’Israël allaient tête levée et la gorge nue. — (Denis Diderot, Opin. des ancien philos. (Juifs).)
  49. Partie supérieure de la chemise d’une femme.
  50. Entrée, ouverture plus ou moins rétrécie de certaines choses.
    La gorge d’une tabatière.
    Les pots à fleurs seront marqués et contremarqués au corps ; la gorge ou collet et carré du pied seront marqués du poinçon du maître, Règl. du 30 déc. 1679.
  51. La gorge d’une poulie : la cannelure qui règne sur la circonférence d’une poulie, et dans laquelle passe la corde.
  52. Partie de l’éventail sur laquelle est attaché un clou rivé qui retient les brins.
  53. Espèce d’étranglement que l’on forme à l’orifice de la cartouche d’une fusée.
  54. La gorge d’une cheminée, la partie qui s’étend depuis le chambranle jusqu'au couronnement du manteau.
  55. (Architecture) La gorge des chapiteaux dorique et toscan en est la partie la plus étroite qui se nomme aussi gorgerin et colerin.
  56. (Charpenterie) Gorge d’amaigrissement : entaillement fait à angle aigu dans une pièce de charpente.
  57. (Botanique) L'entrée du tube d’une corolle, d’un calice ou d’un périgone.
  58. Passage étroit entre deux montagnes.
    Les peuples qui demeurent dans les cavernes, dans les îles, dans les marais, dans les gorges de montagnes, dans les rochers, conservent leur liberté comme les Suisses, les Grisons, les Vénitiens, les Génois. — (Voltaire, Dial. 24.)
    De la plupart des lacs sortent des torrents qui, avec le temps, ont creusé des gorges d’une profondeur effrayante. — (Abbé Raynal, Historique phil. VII, 25.)
    Et des monts du Frioul, des gorges du Tyrol, L'aigle rapide a déjà pris son vol. — (Jacques Delille, Convers. ch. I.)
    Nous descendîmes ensuite dans une gorge de vallon. — (François René Chateaubriand, Itin. 1re part.)
  59. (Fortification) Entrée d’une fortification du côté de la place.
    La gorge d’un bastion.
  60. La gorge d’une redoute : l’entrée de la redoute du côté de celui qui l’a construite pour se défendre.
    Le roi [Murat] lui montre le nouveau flanc de l’ennemi : il faut l’enfoncer jusqu'à la hauteur de la gorge de leur grande batterie [des Russes] ; là, pendant que la cavalerie légère poussera son avantage, lui, Caulaincourt, tournera subitement à gauche avec ses cuirassiers, pour prendre à dos cette terrible redoute. — (Sophie de Ségur, Historique de Nap. VII, 11.)
  61. Demi-gorge : ligne qui va de l’angle de la courtine au centre du bastion.
  62. Échancrure au bassin à barbe, dans laquelle on met le cou pour se faire faire la barbe.
  63. (Architecture) Moulure concave.
  64. Pièce de bois en forme de gorge, qu’on place au bas d’une carte de géographie pour la maintenir tendue, et dans laquelle se loge la carte quand elle a été mise en cylindre sur son rouleau.
  65. Nom qu’on donne, dans les environs de Paris, au froment qui reste dans les gerbes après qu’on en a ôté la semence par un léger battage.
  66. Nom de différents oiseaux :
    1. Gorge blanche, sylvie grisette et mésange nonnette.
    2. Gorge bleue, la motacille suédoise de Gmelin et la fauvette gorge bleue de certains auteurs.
    3. Grosse gorge, le combattant, oiseau.
    4. Gorge jaune, le figuier ou fauvette trichas.
    5. Gorge noire, le rossignol des murailles.
    6. Gorge une, espèce de perdrix.
    7. Rouge gorge.
  67. (Manége) Gorge de pigeon : espèce d’embouchure pour le cheval.

Synonymes

Mots dérivés

TraductionDéplier / Replier

Verbe

gorge /ɡɔʁʒ/
  1. Deuxième personne du singulier du présent de l’impératif de gorger
  2. Première personne du singulier du présent de l’indicatif de gorger
  3. Troisième personne du singulier du présent de l’indicatif de gorger