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Cruel
Origine
- Dans l’ancien français au nominatif singulier cruels ou crueus pour les deux genres ;au régime cruel pour les deux genres ;au pluriel nominatif cruel pour les deux genres ;au régime cruels ou crueus. De cette forme cruels ou crueus, on avait tiré un adjectif irrégulièrement formé crueus, crueuse : De plus crueuse beste ne fu parole oïe, Berte, II I, I, 1.
- API : /kʁy.ɛl/
- SAMPA : /kRyEl/
Adjectif
cruel /kʁy.ɛl/ masculin ( féminin : cruelle /kʁy.ɛl/, masculin pluriel : cruels /kʁy.ɛl/, féminin pluriel : cruelles /kʁy.ɛl/)
- Qui aime à infliger des souffrances, la mort.
- Un tyran cruel. Le cruel Henri VIII fit périr plusieurs de ses femmes.
- Valérien ne fut cruel qu’aux chrétiens. — (Jacques-Bénigne Bossuet, Historique I, 10.)
- J'ai mendié la mort chez des peuples cruels. — (Jean Racine, Andr. II, 2.)
- Mes inhumaines sœurs sont d’autant plus cruelles, Qu'elles le sont par piété. — (Lamotte, Odes, t. I, p. 500, dans POUGENS.)
- Perfide par instinct et cruel par penchant, Son âme est un enfer et sa vie un long crime. — (Masson, Helvét. II.)
- Dans cette guerre à mort, leur donner la vie [aux prisonniers], c’eût été se sacrifier soi-même ; on fut cruel par nécessité ; le mal venait de s’être jeté dans une si terrible alternative. — (Sophie de Ségur, Historique de Nap. IX, 8.)
- Les plus cruels ennemis, les ennemis les plus acharnés.
- Il se dit de quelques animaux.
- Le tigre est un animal cruel.
- Qui a un caractère de cruauté, en parlant des choses.
- Un ordre cruel. Une politique cruelle et ambitieuse.
- Une guerre cruelle, sanglante, acharnée Cruelle bataille. — (Jean Racine, Théb. III, 4.)
- On fit une cruelle boucherie de ces brigands. — (Vertot, Révol. rom. XI, p. 143.)
- Loin de ces lieux cruels précipitez vos pas. — (Jean Racine, Iphig. IV, 10.)
- Je suis persuadé plus que jamais de l’innocence des Calas et de la cruelle bonne foi du parlement de Toulouse. — (Voltaire, Lett. d’Argental, 21 juin 1761.)
- Une guerre longue et cruelle, inutile à l’Autriche, funeste à la France, profitable aux seuls Anglais, et glorieuse au seul roi de Prusse, qui, après l’avoir soutenue pendant sept ans contre la moitié de l’Europe, l’a terminée sans perdre un village. — (Jean le Rond D'Alembert, Éloges, milord Maréchal.)
- Ses expériences n'avaient pu être faites sans assujettir un grand nombre d’animaux à des douleurs cruelles ; et c’eût été acheter bien cher une vérité inutile ; M. de Haller le sentait. — (Marquis de Condorcet, Haller.)
- Dur, sévère, rigoureux, en parlant des personnes et des choses.
- Père, tuteur cruel. Une peine cruelle. Des devoirs cruels à remplir.
- C'est cette vertu même à nos désirs cruelle, Que vous louez encore en blasphémant contre elle. — (Pierre Corneille, Poly. II, 2.)
- Les dieux depuis longtemps me sont cruels et sourds. — (Jean Racine, Iphig. II, 2.)
- Hélas ! fus-je jamais si cruel que vous l’êtes. — (Id., Andr. I, 4.)
- Tous deux haïs du peuple, et tous deux admirés ; Enfin, par leurs efforts ou par leur industrie, Utiles à leurs rois, cruels à la patrie. — (Voltaire, Henr. VII.)
- Ses parents, à la fois jacobites et catholiques, étaient opprimés, à ce dernier titre, sous des lois cruelles, indignes de la sagesse et de l’humanité des lois anglaises, mais qu’une fausse politique avait crues nécessaires dans le siècle dernier. — (Marquis de Condorcet, d'Arci.)
- Douloureux, fâcheux.
- C'est une chose cruelle que d’être abandonné de ses amis.
- Quels reproches cruels ne nous ferons-nous pas ? — (Pierre Corneille, Sertor. II, 2.)
- Je dois vous annoncer, Léandre, une nouvelle, Mais la trouverez-vous agréable ou cruelle ? — (Molière, l'Étour. II, 10.)
- Le ciel eut pour ses vœux une bonté cruelle. — (Jean de la Fontaine, Fabl. VII, 17.)
- C'est une cruelle chose que de mettre sa vie entre les mains d’un médecin, qui croit fermement qu’il va prendre possession d’une souveraineté en Italie. — (Marquise de Sévigné, t. X, lett. 1012, dans POUGENS.)
- Ce ne peut être que cette seule curiosité qui vous ait fait faire une si cruelle imprudence. — (Marie-Madeleine Pioche de la Vergne, Princ. de Clèves, Œuvres, t. II, p. 185, dans POUGENS.)
- Non, vous ne verrez pas cette fête cruelle. — (Jean Racine, Baj. II, 5.)
- Ah ! souvenir cruel. — (Jean Racine, Andr. I, 4.)
- Et ton nom paraîtra dans la race future Aux plus cruels tyrans une cruelle injure. — (Jean Racine, Brit. V, 6.)
- [C'est lui qui] Veut, la force à la main, m’attacher à son sort Par un hymen, pour moi, plus cruel que la mort. — (Jean Racine, Mithr. I, 2.)
- Mesdames [les sœurs du roi] savaient combien est cruelle pour ceux qui souffrent, la perte du médecin dont ils attendent la conservation de leur vie ou la fin de leurs douleurs. — (Marquis de Condorcet, Bourdelin.)
- Destin, sort cruel, destin, sort tout à fait contraire.
- Que ma destinée est cruelle ! — (Molière, le Fest. III, 4.)
- Insensible.
- Beauté cruelle.
- Et même en ce moment où ta bouche cruelle Vient si tranquillement m’annoncer le trépas. — (Jean Racine, Andr. IV, 5.)
- Avec quels yeux cruels sa rigueur obstinée Vous laissait à ses pieds peu s’en faut prosternée ! — (Jean Racine, Phèd. III, 1.)
- Eh ! comment font tant de jeunes filles qui, pendant des mois entiers, résistent à leur penchant, cachent leur amour, et paraissent non-seulement insensibles, mais encore cruelles à un amant qui leur plaît ? — (Saint-Foix, Oracle, sc. 7.)
- Dans le langage familier.
- Cette femme passe pour n'être pas cruelle, elle cède facilement à ceux qui la poursuivent.
- Un cruel homme, un fâcheux, un ennuyeux personnage ; une cruelle femme, une femme bien insupportable.
- Substantivement.
- La mort a des rigueurs à nulle autre pareilles ; On a beau la prier ; La cruelle qu’elle est se bouche les oreilles, Et nous laisse crier. — (François de Malherbe, VI, 18.)
- Vous triomphez, cruelle, et bravez ma douleur. — (Jean Racine, Iphig. II, 5.)
- Un cruel (comment puis-je autrement l’appeler ?) Par la main de Calchas s’en va vous immoler. — (Jean Racine, Iphig. III, 6.)
- Je ne t’ai point aimé, cruel ? qu’ai-je donc fait ? — (Jean Racine, Andr. IV, 5.)
- Femme qui n'écoute pas un amant.
- Venge-toi d’une ingrate et quitte une cruelle. — (Pierre Corneille, Nicom. V, 1.)
- Soulagez mon tourment, disais-je à ma cruelle ; Ma mort vous ferait perdre un amant si fidèle Qu'il n'en est point de tel en l’empire amoureux. — (Jean de la Fontaine, Poésies mêlées, XLV.)
- Mon fils me parle de la grosse cousine d’une étrange façon ; il ne désire qu’une bonne cruelle pour le consoler un peu. — (Marquise de Sévigné, t. VII, p. 649, p. 17, dans POUGENS.)
- Les cruelles ne me sont rien, Je ne crains que les infidèles. — (Bernard le Bouyer de Fontenelle, Poésies past. Œuvres, t. IV, p. 22, dans POUGENS.)
- Ceux qui sont accablés des rigueurs d’une cruelle y viennent soupirer. — (Charles-Louis de Secondat Montesquieu, Gnide, 1.)
- Si elle vous nomme audacieux, vous l’appellerez cruelle ; les femmes aiment beaucoup qu’on les appelle cruelles. — (Pierre Augustin Caron de Beaumarchais, Barbier, IV, 5.)
- Familièrement.
- Ne pas trouver de cruelles, être toujours heureux en amour.
- Jamais surintendant ne trouva de cruelles. — (Nicolas Boileau-Despréaux, Sat. VIII.)
- Familièrement.
- Faire le cruel, se montrer dédaigneux à l’égard des femmes.
- Substantif féminin Cruelle, nom qu’on donne à de l’eau-de-vie rendue plus brûlante par l’addition de substances âcres.
Mots apparentés
Traduction
- bourguignon : crual ; crouel
- anglais : crueuses batailles ; si perilleuses ; FROISS
- espagnol : cruel
- italien : crudele ; du latin crudelis ; dérivé de crudus
- provençal : cruzel ; cruel
- cingalais : crueuses batailles ; si perilleuses ; FROISS
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